« L’argent n’est pas jeté par la fenêtre, il finance notre modèle social ». Éric Bocquet, sénateur PCF du Nord, membre de laCommission des Finances.


Le budget 2024 est-il crédible et sincère ?
Ce budget va sortir avec un déficit public de 144 milliards d’Euros, mais cela dure depuis 50 ans. Le dernier budget équilibré de notre pays date de 1973. À l’époque, l’excédent budgétaire était de 0,2 % su PIB. La dette d’aujourd’hui est le résultat de ces déficits cumulés. Et chaque année, l’État paie les intérêts aux marchés financiers privés. La France est comme un hamster dans sa roue,
condamnée à faire des efforts pour rembourser sa dette indéfiniment. D’autant que les trois quartsdes intérêts dus sont liés à l’inflation. Ce qui, mécaniquement, a généré un volume d’intérêts plus important.

À quoi sert la dette publique aujourd’hui ?
Elle est utilisée comme clé de voûte pour justifier les choix politiques. La seule variable utiliséedepuis des décennies est celle de la réduction des dépenses. À cause de la dette, il ne serait plus possible d’investir davantage dans les hôpitaux, à l’école ou dans le logement. Dans ce budget, la France devrait emprunter 285 milliards d’Euros après les 270 de l’an dernier. Un record !

Comment convaincre que ce budget va servir au désendettement ?
Ces chiffres montrent que ce raisonnement ne tient pas. Le discours culpabilisateur, qui consiste à dire que nous vivons au dessus de nos moyens, et que la France n’a plus la possibilité de financer son modèle social n’est plus tenable… quand en quelques mois nous avons pu augmenter notre dette de 400 milliards.

Quelle solution pour sortir du mode de financement par les marchés financiers ?
Jusque dans les années 1970, la France faisait appel à un système qui s’appelait « le circuit du Trésor », selon lequel les banques commerciales privées avaient l’obligation d’acheter une certaine quantité de titres de dette publique à un taux fixé par l’État lui-même. La Banque de France pouvait également refinancer l’État pour des montants maximaux approuvés par le Parlement. En d’autres termes, les citoyens pouvaient se financer eux-mêmes, avant de décider, dans les années 80, d’aller sur les marchés financiers. L’épargne des Français, tous produits confondus, représnte 5950 milliards, soit deux fois le montant de notre dette. Pourquoi ne pourrait-on pas imaginer, comme le font les Japonais, que les Français puissent eux-mêmes acheter de la dette française ?
Extrait d’un débat paru dans l’Humanité du 15/12/2023